cher.e.s lecteurices - #1 CORNERSTONE
Cornerstone (noun) :
1. A stone in a corner of a building, especially one with the date when the building was made or writing on it.
2. Something of great importace that everything else depents on it.
Pierre angulaire.
Une question : combien y a-t-il de mots fantômes derrière ceux que nous lisons ? Combien de débuts, de pensées, de départs maladroits ont été effacés jusqu'à ce que l'auteur se dise satisfait et partage un texte avec le monde (en théorie) ?
Derrière celui-ci, dîtes-vous qu'il y a eu quelques abus de la flèche retour. C'est si facile, à l'ère du numérique, de recommencer à l'infini. Ce n'est plus le noir sur blanc, l'encre dans le papier, la rature grossière. L'erreur n'a jamais existé, elle disparait d'un geste du doigt, des chiffres binaires qui s'envolent comme des nuées de papillon vers le néant.
C'est, j'imagine, la recherche de la perfection. Du moins de mon côté. Je ne sais pas si c'est un de mes traits de caractère ou le reflet de la société qui cherche à faire toujours mieux, à avoir toujours plus. Plaît-il que je suis une grande perfectionniste et que quand je commence quelque chose, il faut que ce soit bien, carré.
Pourtant, l'important n'est-il pas la fondation ?
Un blog, un début de quelque chose, d'un rêve, un texte comme celui-ci, j'en ai écrit, commencé, des dizaines. Publiés certains. Des centaines dans ma tête qui ne sont restés que des ébauches d'un quelque chose, peut-être plus tard. Et puis, d'un geste du doigt, je les ai supprimés. Ou mieux, j'ai repris à zéro ailleurs. Et à force de recommencer, d'effacer, que reste-t-il de cette fondation ? Rien. Alors tout s'écroule. Abandon.
Vous savez, il y a cette ébullition, sous la surface. Comme un volcan qui sort de sa phase de réveil. Ça bouillonne jusqu'à l'explosion. Cette envie de reprendre l'écriture, elle est dans un coin de ma tête depuis longtemps. Elle grossit, boue, crache du feu. Mais vous savez ce qu'il se passe si on ne s'occupe pas de l'eau bouillante ? Elle s'évapore. Elle crame le fond de votre casserole jusqu'à ce qu'elle soit noircit et irrécupérable. Et là, c'est une autre histoire. Plus sale, moins agréable à raconter.
Vous excuserez le plein de métaphores, entre le volcan et la casserole brulée, il y a quelques vapeurs qui me sont montées à la tête et maintenant, il faut que ça sorte. D'une façon pas trop moche, j'espère mais d'une qui sera publiée et tamponnée "CORNERSTONE" pour ne pas être plus tard effacée.
Car, oui sous cette croix du perfectionnement, de ce rêve que je porte en moi depuis aussi longtemps que je puisse m'en rappeler, j'ai toujours voulu écrire. Et être lue. Il y a eu le rêve du succès, l'envie du noble roman français, l'envie de me faire entendre. Et puis pendant des années, il n'y a plus rien eu ou des tentatives si faibles qu'elles ont vite été étouffées. Enfin, effacées, vous avez compris.
Depuis quelque temps, alors que la vie reprend (note pour plus tard, ce premier texte, cette cornerstone est écrite un jour d'allocution présidentielle après une énième flambée du covid, espérons qu'elle ne porte pas malchance), je me sens écrasée par toutes les possibilités et toutes les envies. J'ai toujours du mal à mettre des mots sur cette faim, presque sauvage, gargantuesque, que j'ai pour le monde. Oui, comme l'humanité, plus, toujours plus.
Et ce plus, il est là. Il y a des sorties, des restaurants, des films, des découvertes, des dizaines d'idées et de planifications, de promesses. Et puis, comme le serpent qui se mord la queue, quand le moment tant attendu est là, je me sens déconnectée. Je n'apprécie pas le moment, je le vois passer mais je me sens enfermée dans ma tête. Est-ce que je me mets trop la pression pour apprécier ce qu'il se passe ? Je ne sais pas. Parfois, je repense à des moments passés et j'en garde des souvenirs forts, qui me font sourire. Mais sur l'instant, quand je suis dans le présent, il y a cette sensation de flottement, comme si je regardais la scène d'un point de vue extérieur.
Est-ce le stress du boulot, la pression médiatique de tout ce qui ne va pas dans le monde ou autre ? Je ne sais pas. Un des vrais moments où je suis capable d'apprécier où je suis, c'est derrière la caméra. En prenant une photo, une preuve de ce que je vis, je rajoute un petit trésor à ma mémoire. J'étais là, je l'ai fait. De le poster sur les réseaux sociaux aide. Se rajoute alors (on est vraiment dans le cercle vicieux du serpent qui se mord la queue) la pression de la société, des éternels algorithmes pour avoir plus de likes, pour être remarquée ou alors le regard de ceux qui ne comprennent pas, qui jugent silencieusement (ou pas) cette incapacité de profiter sans la technologie.
Et moi dans tout ça ? Qu'est-ce que je veux ? Quelle est ma solution ? Pour sortir de ma tête, pour ne pas me coincer dans un engrenage de likes sur des plateformes enthousiasmantes mais souvent néfastes.
Une personne avec du bon sens me dirait certainement d'arrêter de me préoccuper du regard des autres pour commencer. True. Mais ce n'est jamais évident. Surtout parce que j'aime me préoccuper du regard des autres. J'aime être vue dans ce simple confort de me dire "J'existe". Une vaste question existentielle.
Évidemment, si j'existe, si je veux exister, laisser quelque chose derrière moi, il faut que ce soit réussi. Il faut se lancer dans ce projet avec de la réflexion. Écrire sur des sujets intéressants, avec constance, percer dans l'ère de l'influence. Et on repart dans le cercle vicieux, de la non-satisfaction, on supprime si, on efface ça, on recommence et tout s'écroule. Abandon. A nouveau.
Ou se réveiller un matin et se dire fuck that. Se dire : écris pour toi avant tout. Sors de ta tête. Sors de ta tête tout ce que tu veux dire, tout ce que tu sais dire. Peut-être ne seras-tu jamais lue ? N'as-tu pas toujours assez d'imagination pour prétendre que ce n'est pas le cas ? Écris ce que tu veux parce que peut-être pour une personne ou dix ou plus, elles se retrouveront dans ces mots.
Alors voilà. J'ai imaginé deux mots, trois et puis j'ai arrêté de penser. J'ai laissé mon instinct prendre le dessus. Quel plaisir de retrouver le son de mes doigts sur les lettres du clavier. Qui tapent ma voix, mon souffle. J'aime écrire.
Je veux écrire. Et ce premier article, après un long hiatus, me fera peut-être crisser des dents dans quelques années. Pourtant, je me fais cette promesse de ne pas l'effacer.
Ce mot, cornerstone, a une signification importante pour moi, un sens qui a grandi avec le temps. Il me rappelle des moments de lecture, de rêverie, il a cette note qui résonne à l'intérieur de mon corps, une mélodie juste qui me fait me sentir ancrée juste en l'entendant. Et ironiquement, je n'avais pas réalisé son importance avant de le dire. Mais il y a de ces vérités qui sont inconnues jusqu'à ce qu'elles soient dites à voix haute et après, plus de retour en arrière. Aujourd'hui, je pose ma pierre angulaire.
Aujourd'hui, je vais me laisser savourer pleinement ce cliché de la fille à lunettes, derrière son ordinateur qui commence un blog lifestyle en espérant qu'un jour, il devienne trendy.
Et qui sait... En attendant cher.e lecteurice, je reviendrai avec d'autres réflexions existentielles ou quelques anecdotes du quotidien. Je promets aussi, à qui voudra bien lire, des chroniques de livres, des souvenirs de voyages, des critiques de films.
Et surtout, je me promets, de continuer à écrire. Parce que comme le volcan, la casserole qui boue ou tout simplement une bulle d'air qui remonte à la surface pour éclater, l'écriture a toujours été une part de mon bien-être. Et il est temps d'arrêter de m'en priver.
Sincerely yours,
Emma.
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